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Ce n’est pas une trousse, c’est un morceau de confiance

Cher Journal (pas très) intime,

Mardi dernier, on a volé la trousse de ma fille.

Pas une trousse égarée sur un banc. Pas une trousse échappée d’un cartable trop plein. Non. Une trousse volée. Disparue. Pendant la récréation. Pendant qu’elle jouait au ballon.

Quelqu’un a fouillé dans son cartable, a saisi la trousse, et l’a emportée. Comme dans un polar. Mais version CE1.

Et moi, j’imagine encore ses petites billes roulées au creux d’une autre poche, son petit chat imprimé sur le tissu qui cligne de l’œil, complice malgré lui.

Elle me l’a raconté en fin d’après-midi, sur le canapé, les bras serrés autour des genoux. Une petite voix, un soupir caché sous les mots.

« Quelqu’un m’a volé ma trousse de billes.

— Tu l’as peut-être égarée ?

— Non. Elle était dans mon cartable. Et quelqu’un l’a prise.

— Tu l’as dit à la maîtresse ?

— Oui. Elle m’a dit qu’elle s’en occupait pas. »

Voilà. Fin de l’histoire.

Pas d’explication. Pas de « on va chercher ensemble ». Pas de mots rassurants.

Juste une porte qui reste fermée et une petite main qui ne sait plus à quoi se raccrocher.

Et moi, j’ai eu cette sensation étrange : comme une déchirure silencieuse dans quelque chose que je croyais solide.

Ce n’est pas tant la trousse. Ni même les billes. C’est ce que ce moment lui a volé d’invisible.

Elle a sept ans.

Elle croit encore que les adultes savent réparer les choses. Qu’il y a des règles, et que tout le monde les suit. Que ce qui est juste est évident, et que le bien finit par gagner.

Et là, sans le dire, on lui a montré le contraire. On lui a appris que voler, ce n’est pas si grave. Que, parfois, on détourne les yeux. Que les adultes aussi peuvent se taire.

Je ne suis pas naïve. Je sais bien que les vols à l’école, ça existe depuis toujours. Que les enseignants ne peuvent pas être derrière chaque cartable, chaque couloir, chaque petite trahison entre enfants. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que, parfois, un simple « je suis désolée que ça t’arrive », c’est déjà mieux que rien. Parce que le silence, lui aussi, transmet un message. Et le message, c’était : « Tu peux voler, tu peux être volé, ce n’est pas grave. C’est la vie ».

Non. Ce n’est pas la vie.

C’est une certaine manière de voir la vie.

Et ce n’est pas celle que je veux pour mes filles.

Alors, j’ai fait ce que font beaucoup de parents quand ils ne savent plus trop quoi faire : je suis allée sur internet. J’ai tapé « trousse paillette chat clin d’œil », et j’ai racheté la même. J’ai pris aussi quelques billes, pas les mêmes, mais jolies quand même. Pas pour remplacer. Mais pour réparer un peu.

Je ne veux pas qu’elle arrête de croire que le monde peut être doux.

Je veux qu’elle continue à aimer le bruit des billes dans sa main, à croire que ce qui est à elle est respecté, à penser qu’on peut dire quand quelque chose fait mal – et qu’on peut être entendu.

Ce n’était pas qu’une trousse.

C’était aussi un peu de sa confiance.

Et moi, je ferai tout ce que je peux pour qu’elle ne la perde pas tout à fait.

Angélique

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